Un ashram de paix et de tranquillité

J’ai découvert ce petit monastère du Kerala au détour de discussions avec des amis amoureux de l'Inde. En suivant mon instinct, j’y ai séjourné une première fois en février 2023. A mon retour je n’ai pas trouvé les mots pour raconter mon expérience que je souhaitais maintenir discrète, voire secrète. A l’image du lieu presque caché dans la campagne. Cet hiver j’ai fait le choix du partage avec un deuxième séjour accompagnée de sept femmes en voyage avec moi à la rencontre du sacrée. Le maître des lieux est un swami (moine). Il vit avec quelques amis à ses côtés : deux autres moines, un couple franco-indien, une famille en cuisine et un chien. L’ensemble de maisons est simple, plutôt austère, dans un jardin à la végétation abondante, entouré de rizières et de cocotiers.

L’hospitalité est offerte à ceux qui recherchent un endroit calme pour l’introspection. Seulement une douzaine de visiteurs peuvent être accueillis en même temps. Le swami, à l’allure délicate et au tempérament timide, rassemble bien malgré lui. Il n’a pas cherché à créer une communauté et ne souhaite pas développer davantage son lieu de vie pour recevoir un plus grand nombre. Cet homme discret a fait des études supérieures d’ingénieur avant de s’engager dans la vie monastique de tradition hindoue, d’abord auprès d’un maître pendant trente ans, puis au sein de son propre lieu. C’est en offrant le gîte et le couvert aux personnes de passage que l’ashram s’est développé petit à petit depuis presque quinze ans, de bouche à oreille, sans communication, ni réseaux sociaux. Son site internet n’est qu’une page de contact et d’informations basiques où son nom n’est même pas mentionné. Son altruisme est tel qu’il n’y a pas de tarif. Les hôtes, principalement des européens, peuvent déposer un don anonyme à la fin de leur séjour.

Les journées sont rythmées par les sessions de méditation. A 6h30, 12h et 18h30, on se retrouve dans une salle dédiée, assis sur des coussins au sol, en silence, chacun pour la durée et avec les techniques de son choix. Les trois repas se prennent à heures fixes tous ensemble. On récite un mantra en sanskrit pour bénir la nourriture. A la table d’hôtes, une délicieuse cuisine végétalienne de spécialités d’Inde du sud est servie généreusement. Une cafetière italienne à disposition fait mon bonheur. J’ai carrément apporté du café avec moi ! Des douceurs sont servies en dessert assez souvent car les moines sont gourmands. Les visiteurs habitués dont je fais maintenant parti apportent du chocolat d’Europe. Le reste du temps est libre. La pratique du yoga est optionnelle et non guidée. On se rassemble souvent autour du swami dans la matinée pour lui poser des questions de manière informelle. Tous les sujets peuvent être abordés (comme le pardon, l’intuition, la relation, la liberté…) et sont reçus de manière égale. Les questions de « débutants » sont accueillies avec respect et sérieux. Les réponses coulent de source, avec sobriété, dans un anglais simple et clair, sans blabla. Le swami se rend aussi disponible pour accompagner individuellement ceux qui souhaitent recevoir une guidance ou du soutien. Sur demande, il donne aussi des conseils pour les sadhanas et pratiques spirituelles.

C’est en ami qu’il se présente et non comme maître spirituel. Il explique que le vrai guru est intérieur car c’est toujours le soi qui donne le consentement final. Pas de formatage là-bas. Il n’est pas question de devoir renoncer à ses pratiques ou croyances, ni de devoir pratiquer une seule et unique technique. Chacun reçoit une réponse adaptée à son cheminement, s’il le souhaite. Il est d’ailleurs tout à fait possible de séjourner en restant dans sa bulle, en limitant les échanges au minimum.

Je ne saurais vous dire pourquoi j’ai été si émue en retournant dans cet ashram, comme un retour à la maison, et même en larmes à mon départ. Au fond je sais que c’est mon âme qui réagit ainsi. Elle se sent acceptée, appréciée et aimée, sans l’effort que requièrent les masques de l’égo. Je n’ai pas besoin d’échanger beaucoup de mots avec le swami. Faire la conversation à table me semble superficiel par exemple. Mais je ressens une profonde communication à un niveau énergétique, le langage du cœur certainement. Sa générosité me bouleverse. Il m'a invité à revenir avec un groupe l'année prochaine et à rester plus longtemps.


La communauté de ce petit monastère grandit au fil des années. Certains fidèles reviennent tous les ans. D’autres profitent de la visite annuelle du swami en Europe de mai à juillet. Cette année, il est invité dans sept pays pour donner des conférences et guider des programmes lors de sessions collectives de quelques jours. Cela reste des formats que j’appellerais « friends and family » dans la mesure où il loge chez les amis qui l’invitent et que ces événements, ouverts à tous, sont organisés chez ces personnes. Il y a aussi un rendez-vous hebdomadaire important pour maintenir le lien : une méditation le dimanche matin à 7h (heure en Europe) qu’il guide gracieusement (les deux sens du terme conviennent) sur Zoom, depuis l’ashram. Les célébrations et rituels qu'il organise régulièrement, selon le calendrier hindou, sont aussi retransmis en ligne et en direct.

En 2023, j’ai eu la chance d’accompagner les moines dans l’un de leurs pèlerinages. Je garde un souvenir magique des moments passés dans les temples du Tamil Nadu en leur présence, à méditer, prier et recevoir des bénédictions, avec simplicité, comme une évidence. Mais ces quelques jours ont aussi été difficiles à cause d’une participante constamment dans la colère. Une personne en quête de spiritualité mais susceptible et parano... un comble ! Un après-midi elle a dirigé ses humeurs contre moi et j’ai explosé en sanglots, à bout de nerfs. Le swami m’a dit de ne rien prendre personnellement, qu’elle était en souffrance car son fils la rejette. Sa patience et sa bonté à son égard m’ont inspiré. Ne pas juger, garder le cœur ouvert, envers tout le monde, sans distinction.

Vous l’aurez compris j’aime profondément cet ashram simple et authentique où l’on savoure lenteur et tranquillité dans une atmosphère détendue. Ce dépouillement me fait du bien, il m’apaise. L’attitude du swami, son humilité et son sens de l’engagement désintéressé sont une immense leçon. Je suis pleine de gratitude pour ce que j’apprends à ses côtés sur moi et la Vie.

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