La montagne sacrée

A mon arrivée à Tiruvannamalai au Tamil Nadu, je découvre une petite ville sans charme, bruyante et grouillante de monde. Des milliers de pèlerins afluent pour réaliser un rituel lié à Arunachala, la colline sainte de couleur rouge feu. « Aruna » signifie soleil et dénote la couleur rouge du feu. « Achalam » signifie montagne. Ici la montagne est sacrée, elle est la divinité que l’on honore. L’activité est intense car c’est la pleine lune et ce pèlerinage se perpétue traditionnellement lors de cette phase lunaire. J’observe un défilé ininterrompu d’indiens qui marchent pieds nus sur le bitume de la rue principale. Lorsqu’il fait moins chaud, je commence moi aussi Girivalam, c’est-à-dire le tour de la montagne qui fait 14km, sous un coucher de soleil rose sublime (photo ci-dessus). Cette marche méditative s’effectue en répétant mentalement le mantra « Om Namah Shivaya » (J’honore le dieu Shiva, symbole de la conscience pure). Des enceintes le diffusent en boucle sur la route. Les fidèles s’arrêtent pour prier auprès de huit lingams, des sculptures en pierre, de forme phallique, symbole de Shiva et du feu divin.

L’atmosphère est vibrante et joyeuse, cette expérience mystique semble aussi comme une fête célébrée en famille. Attirée par un terrain recouvert de bougies, je m’applique à réaliser deux rituels de protection liés au foyer et au couple. J’accroche à la branche d’un arbre un morceau de curcuma séché enroulé d’une cordelette et protège la bougie (une mèche trempée dans un peu d’huile dans une petite coupelle en terre cuite) de petits cailloux superposés qui symbolisent ma future maison. De la nourriture est offerte : je mange du riz aux lentilles à la main dans des assiettes de feuilles de bananier séchées. Après 4h de marche, je reviens à 22h au point de départ, le temple principal dédié à Shiva, incarné dans l’élément Feu, Arunashaleshwar. Cette soirée a été probablement la célébration de pleine lune la plus puissante de ma vie.

Dans cette ville sainte, l’ashram de Sri Ramana Maharshi m’a bouleversé. Ce petit homme souriant a quitté son corps physique en 1950 pourtant son ashram ne désempli pas. Son visage me semble familier et je ressens sa présence douce et bienveillante (en photo plus bas). Les cérémonies perpétuées matin et soir dans son ashram sont d’une beauté envoutante. Durant ces pujas (rituels), le lingam est arrosé de lait et reçoit des offrandes de guirlandes de fleurs fraiches. Je m’enivre des odeurs d’encens et scrute les jeunes moines torse-nu qui chantent des prières. Une marche d’une heure dans la montagne permet de rejoindre les deux grottes dans lesquelles Ramana a médité pendant plus de 20 ans. En quelques minutes, la rumeur de la ville s’éteint, il règne un grand calme dans cette forêt peuplée de singes. C’est un passage vers un autre monde. Je ressens le caractère sacré de cette montagne au lever du soleil. Méditer dans ces grottes sombres, aux plafonds bas, a été une expérience forte. D’abord, il y a cette évidence, une facilité à entrer en méditation. Je me sens tout de suite connectée, comme branchée à une prise d’énergie vibratoire élevée. Je suis ensuite touchée par le silence et la qualité de présence de chacun, serré l’un contre l’autre, si concentrés et stables. Cela me rappelle le hall de méditation de Dhamma Thali où j’ai appris les techniques de méditation Vipassana.

« Tiru » n’est pas une ville touristique dans le sens culturel du terme, mais de nombreux voyageurs spirituels s’y rendent et y restent longtemps. Cela ne me surprend pas, je me sens moi aussi aimanté par des énergies puissantes. La veille de mon départ, on m’informe que les swamis (moines) du Kerala avec lesquels j’ai rendez-vous s’apprêtent à partir en pèlerinage. Je suis chaleureusement invitée à les accompagner. Leur destination ? Tiru !! Je frissonne de la farce que l’univers me joue : faire 8h de train de nuit à leur rencontre pour finalement revenir sur mes pas le lendemain avec eux. Je n’hésite pas longtemps car je fais confiance aux surprises de la vie et l’idée de retourner au même endroit dans un contexte différent m’attire. La lecture de la biographie d’Amma confirme mon choix : elle conseille à un fidèle qui ne peut rester auprès d’elle de se rendre à Tiru. Mon second séjour a été évidement différent : en groupe avec trois swamis et cinq étrangers. Cette petite communauté m’a apporté beaucoup d’enseignements : les joies, mais aussi les peines, du vivre ensemble.

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